C’est au nord de Dublin, dans le comté de Meath, que s’étend la vallée de Boyne. Des kilomètres de terrain qui ont traversé l’histoire, du néolithique à aujourd’hui. Dans cette vallée se trouve le plus grand complexe archéologique d’Irlande, Bru na Boinne, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Il comprend Newgrange, une tombe néolithique datant de 2 500 ans avant Jésus-Christ; Nowth, qui date de 3 000 ans avant Jesus-Christ, la plus grande tombe à couloir de la vallée; Dowth, la plus ancienne des trois; et Hill of Tara, ancienne capitale des rois d’Irlande. La tombe de Newgrange a été exhumée entre 1962 et 1975 par le professeur d’archeologie de Cork, Michael J. O’Kelly. Cet énorme tumulus comprend trois chambres funéraires dans lesquelles ont été découverts cinq corps, probablement des personnes de haut rang. Avant de pénétrer à l’intérieur de la tombe, il fallait d’abord déplacer une énorme pierre qui obstruait l’entrée, mais surtout, en enjamber des plus grosses encore, gravées de triple spirales -ou triskel- représentants les trois cycles de la vie (naissance, vie et mort). Cette entrée semble former une barrière physique entre les vivants et les morts, à en croire les croyances de l’époque. Une fois à l’intérieur, il faut traverser un couloir exigu avant d’arriver devant les trois chambres funéraires. Ce qui frappe en arrivant, c’est l’architecture de la tombe : des centaines de blocs de pierres se superposent jusqu’à une hauteur de six mètres. Entre chaque pierre, des plus petites font office de ciment. Grâce aux récits des gens du village, Michael O’Kelly a découvert que la tombe s’aligne avec le soleil du solstice d’hiver. Entre le 18 et le 23 décembre, le soleil pénètre à l’intérieur par une petite fenêtre appelée la « roof box », située au-dessus de la porte centrale. Le sol de la tombe s’élevant au niveau de la roof box, un rayon de soleil illumine ainsi la chambre centrale pendant 17 minutes. Les celtes pensaient sans doute que c’était leur dieu Dagda qui venait pour amener les morts dans l’au-delà.
Millifont et la fin de l’air gaélique.
L’Ordre cistercien a été introduit en Irlande grâce à la fondation en 1142 de l’abbaye de Millifont, par Malachy, archevêque d’Armagh. Ce dernier, lors d’un voyage en France, avait découvert le monastère cistercien de Clairvaux. Millifont pris rapidement de l’ampleur et au final, c’était plus de vingt-et-un monastères qui lui étaient rattachés. Autour de 1540, elle s’étendait sur plus de 20 000 hectares et était l’une des plus riches propriétés du pays. L’abbaye eut une influence si forte, qu’elle éclipsa rapidement le reste de pouvoir que les vieux monastères gaéliques possédaient encore. Pourtant, en 1530, le gouvernement anglais d’Irlande, encouragé par Cromwell, établit une loi pour supprimer toutes les maisons religieuses du pays. Outre l’aspect religieux de cette décision, ce même gouvernement était également très intéressé par les biens de l’abbaye de Millifont, dont les revenus leur permettraient d’attirer de nouveaux colons anglais en Irlande.
Ce ne fut que le 29 juillet 1539 que l’ensemble de la propriété de l’abbaye tomba entre les mains de la Couronne. Après avoir fait tomber les dernières miettes du pouvoir celte, l’abbaye fait également office de transition. En effet, entre 1594 et 1603 se déroula la guerre de neuf ans, qui opposa des chefs de clans gaéliques au gouvernement anglais, installé en Irlande. La défaite de ces chefs de clans en 1603 marqua la fin de l’Irlande gaélique. La vallée de Boyne est une fois de plus en première ligne, car c’est à Millifont que la reddition se fit.
Il fallut attendre 1938 avant que des moines cisterciens reviennent dans ce secteur. Ils sont aujourd’hui installés dans un lieu nommé « new Millifont », à quelques kilomètres à peine de l’ancienne abbaye.
Des anglos-normands dans la vallée.
L’histoire continue de se dérouler dans le comté de Meath. De la période viking, on retrouvera les restes d’un bateau au fond de la rivière qui longe Drogheda. Dans la vallée s’élève également le plus grand château d’Irlande mais surtout le plus important complexe anglo-normand d’Europe : le château de Trim. À la fin du Moyen-Âge, il faisait office de centre administratif du comté.
Des conséquences de la bataille de Boyne.
Lorsque Jacques II, dernier roi catholique d’Angleterre perd son trône au profit de Guillaume d’Orange, devenu roi sous le nom de Guillaume III, il cherche à reconquérir sa place avec l’appui de la France de Louis XIV. Si le roi de France offre son aide c’est surtout pour éloigner Guillaume III de la lutte pour l’hégémonie en Europe.
C’est en Irlande que va se dérouler cette guerre des trônes. Guillaume III arrive à Boyne le 30 juin 1690 avec une armée de 36 000 hommes; anglais, hollandais, protestants irlandais et huguenots français. Il fait face à l’armée de Jacques II, composée de 24 000 hommes, irlandais et français. Cette bataille a été la plus grande action réalisée entre deux opposants armés qui a jamais eu lieu en Grande-Bretagne et/ou Irlande. Elle se solda par la mort de 1 500 combattants et par la défaite du camp jacobite. Grâce à cette victoire, Guillaume III récupère la ville de Dublin et l’est du pays. La guerre continua à l’ouest jusqu’à ce que l’armée de Jacques II soit écrasée lors de la sanglante bataille d’Aughrim, en 1691. La bataille de la Boyne restera le moment décisif de cette guerre et eut de lourdes conséquences sur la domination anglaise en Irlande, en donnant aux protestants l’ascendant sur les catholiques un siècle durant. L’Ordre d’Orange fut également fondé en 1795, à Boyne, pour commémorer la victoire de Guillaume III. Enfin, la reconnaissance par le parlement irlandais de la signification de cette bataille a contribué à améliorer les relations de l’Irlande moderne.
Ces lieux, bien qu’ayant chacun leur propre signification, sont liés. Ensemble ils ont forgé l’histoire d’un pays au sein d’un même lieu : la vallée de Boyne.